Article 35 : Et l’oiseau s’envola vers l’éternité...(A Mme M.)


« Chaque jour qui me rapproche de ma mort, je découvre un peu plus qui je suis.
C’est un long chemin. Et il est rarement paisible.
Mais comment espérer déployer son humanité, son potentiel unique, sans mener cette quête de soi ?
En occultant cette responsabilité qui nous incombe tous, nous sommes condamnés à rester des ignorants dont l’inconscience construira une existence de violence et de souffrances répétées : une vie qui n’aura alors eu aucun sens au moment de notre disparition...Est-ce vraiment là ce que nous souhaitons laisser de notre passage sur terre ?

A notre naissance, nous sommes soumis à nos besoins primaires, aux personnes qui s’occupent de nous et qui peuvent les combler. Soumis également à notre corps si immature et à notre vulnérabilité.
Mais au fur et à mesure de notre croissance, nous développons notre autonomie et notre capacité à penser. Nous pouvons nous détacher de ce qui ne résonne pas pour nous, garder ce qui participe à nous construire positivement et éloigner ce qui nous tire vers le bas.
Et c’est à ce moment là de notre vie qu’il faut prendre conscience de cette véritable responsabilité car cela deviendra notre plus grande chance. Celle de mettre de la lumière sur notre animalité.
Cette opportunité peut nous offrir un espace privilégié pour grandir intérieurement en repoussant toujours plus nos limites, celles que nous n’aurions jamais pensé pouvoir dépasser. Cette route nous amènera alors vers le voyage le plus passionnant du monde : l’aventure de soi...

Cependant les embûches de la vie nous font souvent renoncer à nous-mêmes. Nous subissons la souffrance car elle nous immobilise. Sûrement car nous ne nous faisons pas assez confiance. Nous n’avons pas encore découvert toutes nos capacités profondes. Nous n’apprenons malheureusement pas à rechercher et découvrir ces trésors que nous possédons tous. Et pourtant, tout se trouve en nous. Ne cherchons plus à l’extérieur : apprendre à compter sur soi, faire de son coeur et de son esprit des alliers pour enlacer notre vie avant qu’elle ne nous échappe...

Plus la souffrance me rencontre et plus je me relève. Non pas différente, mais davantage moi-même. Et c’est quand je suis à terre et que je découvre ma vulnérabilité, que je deviens moi-même.
Oui, c’est exactement à cet instant le plus fragile que je n’ai plus d’autres choix : celui de laisser tomber les masques inculqués par mon éducation et la société dans laquelle je vis. Et dans cette ultime bataille avec moi-même j’ai un choix à faire. Soit je continue à me faire du mal et à renier ma nature singulière pour continuer à m’adapter aux stéréotypes du monde. Soit je m’accueille, je m’écoute et je m’offre de l’amour pour apaiser mes tourments intérieurs.
Dans le premier choix je permets au monde extérieur de définir qui je suis.
Dans le second choix, c’est à moi seule que j’autorise à choisir et devenir qui je suis vraiment.

C’est alors que je peux me relever en assumant ma fragilité intérieure car c’est à chaque fois que j’ai le sentiment d’être anéantie par la souffrance que j’apprends à compter un peu plus sur moi. La souffrance est une alerte pour apprendre sur soi. Elle n’est pas une fatalité. Ni une ennemie. L’obstacle c’est la peur. Souffrir est une opportunité de faire grandir son âme. »


Voilà les échanges profonds et riches que j’ai pu avoir avec Mme M.
Son accompagnement s’est éteint avec elle à l'unité des soins palliatifs un jour de printemps. Aujourd’hui elle n’est plus. Mais elle demeure dans mes pensées. Grâce à elle, j’ai grandi encore un peu plus dans cette simplicité de l’Être. Car c’est à chaque fois que je rentrais dans sa chambre que ma blouse blanche de soignante perdait toute sa symbolique : c’est sa sagesse, sa douceur contenante qui ont accompagné l’infirmière que je suis. Les rôles parfois s’inversent...

« Mme M.
votre nom avait l’écho d’un oiseau
dont la liberté vous donnait tellement de lumière.
Si le mot « résilience » n’existait pas, il aurait pris vie avec vous.
Je vous remercie pour tous ces cadeaux d’émotions humaines que vous avez semé…certaines de ces graines continuent de pousser dans le jardin de mon coeur... »



🦋 Charlotte 🦋
Infirmière par amour
Novembre 2023




(Photo Charlotte V.)


Article 34 : Nadine

Les gens blessent les autres parce qu'ils souffrent eux-mêmes de leurs propres blessures. C’est un cercle vicieux et douloureux. Et je fais parti de ces gens là.
Voilà les pensées encombrantes qui viennent me hanter ce matin avant de partir au travail.

Je prends mon poste d’infirmière dans l’unité des soins palliatifs et les transmissions de l’équipe de nuit. De là, j’apprends qu’une patiente nous a quitté et que son corps repose dans une des chambres de notre service. Cette information vient immédiatement m’extirper de mes pensées lourdes et égocentriques de ce matin. Vous me direz, rien d’étonnant un décès dans cette spécialité de travail. Mais jamais je ne pourrai banaliser la fin d’une existence humaine...Dire « adieu » n’est pas une habitude que l’on prend. 
Et je ne cesserai jamais de le raconter : il n’y a pas que des gens qui finissent leur vie dans mon service. C’est une représentation erronée de ce que je vis avec mes collègues, je peux vous l’assurer.

D’ailleurs, cette patiente nous l’avons suivi pendant plusieurs mois, elle a pu rentrer chez elle à plusieurs reprises après l’équilibration de sa douleur ou encore un besoin de réajustements d’aides à domicile. Elle a pu profiter encore de la vie malgré la maladie. Et heureusement que c’est ainsi car nous n’avons pas de mainmise ni sur la vie ni sur la mort...

Cette patiente a eu une vie difficile, ponctuée de grandes épreuves traumatisantes. Cependant, à son contact, cela ne se devinait pas car je l’ai toujours connu souriante, généreuse et d’une grande douceur dans ses partages avec l’équipe soignante.

Je suis toujours bouleversée quand je rencontre des Êtres bienveillants qui savent écouter et accueillir les mots et sentiments des autres avec empathie malgré qu'ils aient été si gravement blessés eux-mêmes par la rudesse de l’existence.
Je la revois toute frêle marcher dans les couloirs de notre unité et si amaigrie par la maladie. Je l'entends encore dans mes souvenirs demander aux soignants s’ils allaient bien aujourd'hui. J'ai encore la vision de ses yeux dotés d’une patience d’ange pour attendre son tour de pansement les jours où nous étions bousculés par la charge de travail. Et je repense avec émotions à ce même petit bout de femme qui offre des chocolats à une collègue car c’était son anniversaire…

Comment lui rendre hommage à présent, en trouvant les mots justes, ceux qui seraient à l’image de son humanité courageuse et sensible ?

Alors, c’est en toute humilité et sincérité que je finirai cet écrit en m’adressant à elle, à son âme, avec toute la maladresse de mon coeur humain car je crois qu’il n’existe parfois rien d’assez fort et juste pour parler d’une personne merveilleuse mais je ne possède que ces quelques mots pour le faire dans cette vie...

« Chére Nadine, je suis si honorée que mon existence est croisée la votre...
Vous vivez encore aujourd’hui et pour l’éternité dans la mémoire et le coeur de ceux qui restes ici-bas. 
J’espère que votre esprit est en paix à présent. 
Sachez qu’ici, ceux qui vous ont connu sont fiers de la femme que vous avez été. 
Merci à vous d’avoir eu le courage de vivre parmi nous…
Votre âme fût une bénédiction pour notre monde. »


Charlotte, infirmière par amour (été 2023)




(Photo Charlotte V.)


Article 33 : Endolori

Il y a un espace très étroit entre ma tête remplie de pensées et mon coeur débordant d’émotions. Et c'est dans ce trou perdu de mon monde, au fin fond de mes ténèbres, que ma colère et mon désarroi sont allés vivre lorsqu’ils sont nés dans les éclats de mes épreuves d’existence.

Souvent le soir, je m'assois avec eux et j'écoute leurs histoires. Ils diffusent des films envahissants en noir et blanc dans ma tête. Ils viennent percuter les sentiments contenus dans mon coeur qu’ils piétinent maladroitement. Mais ils ne sont pas méchants. Ils ont besoin de parler à ma tête et à mon coeur chacun leur tour.
S’exprimer. 
Par tous les moyens.
La colère hurle de fureur dans ma tête et le désarroi endolorit les battements de mon coeur.

Quand l'aube vient, ils me disent que je ne peux pas rester avec eux pour toujours. Ensemble, ils me repoussent vers la vie. Une nouvelle journée commence. Un jour mes yeux resteront fermés pour toujours. Alors je dois y retourner. Je les écoute et je me lève pour tenter d'aller mettre du sens sur ce que la vie souhaite que je comprenne aujourd’hui. Aurai-je toujours ce courage ? Sur ces pensées je me retourne vers eux en leur disant :
« Je vous verrai ce soir ».
Tous deux me regardent car ils savent que je suis encore trop faible pour passer à autre chose et revivre. Ils me soutiennent d’une certaine façon.
On les croit dépourvu d’élan vital, nous ramenant vers notre médiocrité, nous enfonçant tragiquement vers ce que nous avons de plus incompréhensible.
Mais ils nous préviennent et nous informent sur nous-mêmes. Certes, avec une grande violence intérieure le plus souvent mais ils nous alertent que nous arrivons à un carrefour de notre Être, une partie cachée et sombre dont il faut prendre conscience si on veut retrouver la lumière.

On ne peut éviter d’avoir mal si on souhaite se développer et croître notre humanité.
Nos sentiments lourds, nos émotions dîtes négatives ne sont juste que des balises sur notre chemin et des repères nous informant sur notre complexité qui ne demande qu’à être mise en sens et adoucie par notre compassion. Nous avons aussi besoin d'arpenter nos ténèbres pour continuer à être des chercheurs de vie éclairés et aimants.


.:. Charlotte .:.
(Aout 2023)



(Photo de Charlotte Vergori)


Article 32 : Rencontre

La rencontre humaine est aussi passionnante que déroutante...

Au fil de nos expériences, nous pouvons petit à petit mettre des touches de sens sur nos liens d’amour, nos relations intimes...
Et, au fond, rien n'est vraiment positif ou négatif dans ce domaine. Simplement, la rencontre agit en nous comme un miroir ouvrant alors un chemin vers soi pour mieux se connaître, mieux rencontrer l’autre, mieux comprendre l’humain...
Bien-sûr, l’intensité des émotions et des sentiments est parfois si bousculante à vivre et à appréhender dans tout son corps, sa tête, son coeur. Mais si nous acceptons de vivre pleinement cette aventure humaine, nous découvrirons des trésors de compréhension sur la vie afin d’accéder à son Être unique et développer sa vraie personnalité. 
Oser vivre le lien humain dans toute sa complexité, son incompréhension, sa douleur...mais aussi sa beauté, sa puissance et sa profondeur. Car prendre le risque d'aimer est sûrement la plus belle raison de vivre : seul l'amour rend pleinement vivant.
Au cours de ce voyage d’existence, il y aura des rencontres singulières qui viendront adoucir nos chagrins humains et redonner du sens et notre vie éphémère. Mais cela nous demande de nous laisser toucher par l'autre...et ça n’est pas si simple à faire. Car s’autoriser à ressentir si fortement nous demande de faire confiance à la vie. Et cela implique aussi de lâcher prise dans notre quotidien toujours plus occupé avec une charge mentale écrasante

-     Nous ne prenons plus le temps de nous laisser envelopper par la surprise et la puissance du lien et de l’attachement. Inconsciemment, nous cherchons ainsi à maîtriser la vie pour ne pas risquer de souffrir.
-     Nous n’accordons que peu d’attention à créer régulièrement des espaces privilégiés de retrouvailles dans lesquels la relation à l’autre pourra s’exprimer, se développer et se vivre réciproquement. Inconsciemment, nous sommes terrifiés à l’idée de nous laisser aller car nous avons terriblement peur d’aimer.

Avoir l’audace de se laisser touché soudainement et de façon inexplicable par la magie de la rencontre lorsque nous avons la chance d’en faire une...Apprivoiser la peur pour rassurer son coeur au contact de l’amour pour le vivre profondément.

La vraie rencontre peut heurter notre vie seulement si nous sommes prêts à écouter ce langage singulier du coeur...Lorsque nous sommes face à cet autre et qu’instantanément sans le connaître encore, nos émotions et nos sentiments nous parlent : ils sont alors un langage pour notre coeur qui nous chuchote à l'intérieur de nous qu'avec de l'attention et de l'engagement sincère et réciproque, une relation d'amour unique peut naître entre deux vies humaines. 


Charlotte, mars 2023



(Photo C.V)


Article 31 : Profondément


Chaque jour je me réveille difficilement dans un monde dépourvu d’amour. Comment est-il donc possible de vivre sans se sentir exister profondément ? Comment les Êtres que nous sommes, pourtant dotés d’une humanité à la naissance, pouvons-nous accepter et développer une telle destinée ?

Chaque matin, mon corps peine de tout son poids pour se redresser face à l’agressivité d’une nouvelle journée qui apparaît devant mes yeux endoloris. Comment appréhender les prochaines secondes de mon existence lorsque je sais que mon coeur va encore se briser face à la froideur de mes semblables au moment où nos vies vont se confronter plutôt que de se rencontrer.
La pauvreté du coeur des Hommes emprisonne la vie dans une privation de profondeur mortelle.
Nous sommes des automates dont les sentiments sont anesthésiés. Quelle cruauté pour nos âmes incarnées.

Pourquoi aucun coeur n’interroge-t-il un autre coeur pour comprendre quelle est sa cachette ? Pourquoi avons nous perdu cet élan authentique du lien ? Un élan dont nous jouissons naturellement à la naissance et qui s’éteint petit à petit lors de l'apprentissage des règles sociétales et de bienséances. Au lieu de nourrir cette capacité de l’enfance à épanouir naturellement notre Être, nous vivons en étouffant notre véritable nature.

Pourtant, il suffirait de créer ensemble un espace sincère de rencontre lorsque nos coeurs appellent à l’attachement. Cet espace serait tolérant et paisible permettant à chacun de déposer sa lourde valise d’existence et de créer un lien d’amour réciproque pour avancer ensemble vers la vie et la découverte de soi à travers le miroir de l’autre. L’expérience de la vie ne serait sans nul doute pas plus simple à vivre mais nous pourrions la surmonter plus en douceur parfois à travers cette tendresse d’aimer, la seule arme véritable contre la violence du monde. Arrêtons de nous parler comme à des rivaux mais regardons nous comme des égaux dont la différence passionnerait au lieu d’effrayer. Chacun d’entre nous a une place dans ce monde. Pourquoi toujours lutter pour se sentir exister ? Accueillons ce qui doit être. Nous sommes fait pour vivre. Et surtout chacun d’entre nous a besoin d’aimer et d’être aimé. Remettons cette vérité au centre de notre orgueil suffisant qui nous fait vivre dans l’illusion de l’indépendance comme seul but d’existence. Nous pouvons nous réaliser et développer notre autonomie en apprenant ensemble à exprimer notre singularité. Et nous pouvons aimer et être aimer pour cela. C’est dans l’union et le lien que nous somme forts et libres.

Aujourd’hui, je n'ai plus aucune patience pour des réunions interminables, qu’elles soient d’ordre privé ou professionnelle, ces espaces où on discute de procédures, de règles. Des échanges alimentés par notre masque social et à travers lesquels jamais nous n’avons la générosité et le courage de montrer notre sensibilité unique.
Je n'ai plus le temps de supporter les gens qui n’écoutent que leur égo et qui n’ont pas l’audace d’apprendre à découvrir leur profondeur afin d’y mettre des touches de sens et qui demeurent perdus dans une vie d’ignorance et de lutte acharnée contre lui-même plutôt que d’essayer de trouver le chemin de son coeur pour le partager avec les autres.
Je n'ai plus l’énergie de négocier avec la pauvreté de certains échanges sans intérêt durant lesquels les gens ne discutent pas du contenu de leur pensée mais n’évoquent seulement les titres. Une vie dictée par la peur et les certitudes plutôt que l’ouverture de son esprit vers la complexité de ce que nous sommes avec bienveillance et compassion.

Le temps est précieux...L’avez-vous donc occulté ? L’humain vit toujours plus dans un déni de son éphémère existence. L’éternité ne fait pas parti de notre monde. Il est urgent de s’en souvenir et de vivre en conséquence : c’est à dire en conscience.
Aujourd’hui et plus que jamais j’étouffe d’autant d’absurdité.

Je ne veux pas de cette vie d’errance. Je m’y refuse de toutes mes forces.
Je veux vivre à côté de gens humains. Terriblement humains. Qui savent sourire de leurs erreurs. Qui ne se vantent pas de victoires. Qui défendent la dignité humaine et qui ne souhaitent qu'être du côté de la vérité et de l'authenticité. Sinon je choisirai la solitude plutôt que cette servitude.
Pour ce qu’il me reste à vivre, je veux nourrir et partager des moments présents de qualité. Je veux plonger dans la profondeur de la vie avec des Êtres qui portent des vraies aspirations valeureuses.
Et surtout, je veux entourer mon intimité de personnes qui savent arriver au cœur des gens. Des Êtres à qui les coups durs de la vie ont appris à grandir avec des caresses. Des humains qui aiment l'âme avant d’aimer un corps. Tout cet essentiel qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue.


Je veux vivre intensément et pleinement une vie
que seule la profondeur d’Être peut me donner.



Charlotte, février 2023 :
Réapprendre à vivre pour Être et devenir plutôt que de paraitre et de survivre...
Puissiez vous arpenter votre vie avec ce courage de plonger profondément en votre coeur
pour grandir et partager des moments de vie authentiques avant de quitter ce monde ..."




(Photo C.V.)


Article 30 : Besoin du "Nous"

Nous avons besoin des autres. 

Voilà une vérité bien déchirante dans notre société actuelle qui prône au contraire la liberté individualiste et entretien une concurrence face à nos semblables qui se veut toujours plus sans pitié…
Nous pensons à tort que, plus nous luttons face à l’autre, plus nous pouvons devenir forts et uniques. Mais tout ceci n’est que fantasme et apparence. Et je dirai même qu’en nourrissant cette croyance, nous devenons toujours plus fragiles et sans défense face à la vie.

Il est temps de revenir à plus de conscience sur notre fonctionnement humain et il est même urgent de se reconnecter les uns aux autres dans un but commun : celui de parvenir à être plus authentique et justement des Êtres singuliers et indépendants tout en étant en lien. Car soyons honnête, nous ne pouvons grandir sans une main tendue, nous ne pouvons accéder à la connaissance de qui nous sommes sans le miroir de l’autre et nous ne pouvons développer notre bienveillance qu’au contact d’une autre humanité que la nôtre. Et il n’y a aucune fatalité à tout ça. Au contraire, il n’y a dans toute cette approche que des opportunités pour devenir pleinement soi.

Il suffit de revenir à l’aube de la création de notre Être car ce besoin de l’autre est inscrit dès notre venue au monde : à la naissance, le bébé ne pourrait pas survivre si nous ne prenions pas soin de lui. N’oublions pas que nous naissons à la vie en étant sans défense et dans l’incapacité de pouvoir survivre seul. Le petit être que nous sommes au départ a besoin de soins alimentaires, d'hygiène, de stimulation intellectuelle pour croître, s’éveiller…et il a aussi un grand besoin d'amour. Un sentiment puissant et partagé avec son nourrisson par l’interaction des regards, des mots, du touché, de la présence humaine. Nous sommes nourris de tout ça depuis les premiers instants de notre existence in utero, puis à la naissance et ensuite tout au long de notre vie humaine.

Je pense que nous gardons en nous cette trace indélébile, cette vulnérabilité. Nous sommes faits de cet élan de dépendance au monde. Nous nous sommes construits comme ça. Et je pense même que nous sommes justement venus vivre tout ça en venant un jour sur terre car c’est à travers le besoin que nous pouvons comprendre les pièces du puzzle qui manquent à notre cœur afin de s’épanouir pleinement. Comment connaitre ce qui nous anime, ce qui nous inspire, ce qui nous manque, ce qui nous limite, ce que nous devons panser en nous, ce que nous pouvons développer et construire sans le lien à l’autre ? Nous sommes liés à la vie et à tout ce qui est animé par cet élan, cette énergie, c’est-à-dire que nous sommes liés à l’humain, aux animaux, à la nature …Tout ce qui est vivant. Et c’est en accueillant cette vulnérabilité de dépendance que nous pouvons construire pas à pas une indépendance d’amour en nous et vivre dans un équilibre partagé entre soi et l’autre pour avancer tous ensemble.

Nous ne quittons jamais ce besoin de l’autre mais nous nous obstinons à penser, au contraire, qu’il le faudrait pour arriver à vivre pleinement. Mais est-ce là un but à atteindre au fond ? Je pense que ce besoin s’accompagne, se transforme et s’exprime de façon différente depuis notre naissance et tout au long de notre vie : une fois que le jeune adulte a appris à se séparer de sa famille dont il a eu besoin durant la première partie de son existence, il part ensuite à la rencontre du monde extérieur pour construire sa propre vie et va alors développer d’autres liens relationnels en fonction de ce qu’il aura besoin d’apprendre et de nourrir en lui. Tout comme son propre cœur, ses failles et ses forces pourront enrichir et éclairer d’autres humanités.

Nous vivons dans une société qui prône sans cesse l’indépendance, la performance...du coup nous pensons que vivre heureux c’est être détaché des autres. Mais j'ai l’impression qu’à partir du moment où on aime que ça soit un lieu, une activité, une personne, un animal…il y a une certaine dépendance qui se crée à travers le lien. Et il suffit de le voir très simplement, comme un fil invisible qui anime une énergie d’amour entre deux pôles. Ce lien de dépendance peut se révéler d’une grande liberté lorsqu’il est bienveillant et constructif. Notre bonheur de vivre est ainsi alimenté par ces liens divers de la vie et qui nous aident petit à petit à être nous-même, véritablement. Il n’y a pas qu’une seule façon pour devenir nous-mêmes mais je pense qu’un des chemins à emprunter pour y accéder est l’acceptation de cette vulnérable dépendance dans laquelle réside aussi la capacité à être libre. Car ce sont dans nos liens d’amour que nous pouvons révéler notre plus profonde et authentique humanité. La reliance au cœur, le notre et celui de l’autre, donne un sens précieux à la vie.

C'est un leurre de penser que le non-attachement est une issue vers la liberté. La liberté d'Être s'acquiert par la reconnaissance de cette dépendance à toute forme de vie que nous côtoyons et qui nourrit notre compréhension de nous-mêmes. 
Cependant, comme dans tous nos comportements et sentiments humain, il reste important de s’interroger pour se comprendre. Et tout a une limite. Car tout a besoin d’équilibre. Et concernant ce besoin de l’autre qui demeure en nous, il est aussi important de mettre du sens sur la façon dont cela s’exprime à l’intérieur de soi. Pouvoir définir quel est notre besoin et pourquoi à travers cet élan de dépendance : est-il une nourriture pour notre âme et celle de l'autre afin de grandir mutuellement dans l’échange, de se soutenir, se protéger et s’accompagner ? Ou est-il seulement une succession d'attentes insatiables à travers lesquelles nous recherchons en vain notre sentiment d'existence ? La subtilité est là. Et notre devoir envers nous-mêmes et envers l’autre est de travailler sincèrement sur cette identification profonde qui se mêle inévitablement à nos blessures humaines. 
Dans tout comportement humain, il y a des éléments importants à mettre en sens car nous demeurons des êtres en perpétuel construction, réparation et évolution. Si le besoin de l’autre est un besoin de partage et de cheminement pour avancer ensemble dans la vie et sa quête de sens, nous avons tout à y gagner. Mais si le besoin implique une dépendance pour vivre à travers l’identité de l’autre en reniant la sienne cela devient alors un bonheur erroné qui ne cherche inconsciemment qu’à combler nos manques grâce à l’extérieur...
Il faut alors parvenir à dialoguer avec son cœur pour définir le besoin de l'autre afin que cet attachement ne fasse pas mal, ni à soi, ni à l’autre. Pourquoi ai-je besoin de l’autre aujourd’hui ? Pour me nourrir ou chercher une légitimité d’existence ?

L'autre doit pouvoir être un soutien comme nous pouvons l’être à notre tour pour lui dans le but commun de s’encourager et s’épauler et pouvoir ainsi construire un amour sécurisant intérieur. C’est en s’offrant ce cadeau que nous serons des Êtres capables d’amour pour soi, pour l’autre, pour la vie. Si nous parvenons à être autant heureux seul qu’en présence de nos semblables, nous pouvons alors avoir besoin de ceux que nous aimons en toute liberté, sans avoir peur d’être fragilisé par ce lien/besoin. Car si l’être humain n’est pas fait pour vivre seul, c’est sûrement un leurre de se dire qu’il n’y a aucune dépendance dans l’attachement.

N’oublions jamais cette fragilité qui nous a animé le jour de notre naissance car nous ne serions pas là sans le prendre soin de cet autre soi-même qui a pu à son tour continuer à apprendre la bonté de son cœur en prenant soin de nous. N’oublions pas que cette petitesse de notre Être a aussi nourrit le grand être humain en face de nous par la dépendance de notre vie qui a pu permettre un échange d’amour mutuel.
Souvenons-nous que les petits et les grands avancent ensemble, développant ainsi leur identité singulière tout au long du chemin car c’est bien dans cette interaction, dans cette connexion et dans cette dépendance que se trouve toute une vie commune à partager…

J’ai besoin de toi,

J’ai besoin du « nous »,

Pour atteindre l’amour inconditionnel de mon Être.


 

Charlotte, septembre 2022




Dessin de Leïna Fort Vergori



Article 29 : Dans mon monde


J'aime une façon entière de ressentir la vie :
- élucider les épreuves qui nous percutent,
- donner du sens à nos pensées énigmatiques,
- éprouver le désordre des sentiments humains,
- se heurter aux moindres détails de notre expérience terrestre pour en éprouver toutes ses leçons d’apprentissages...

Ma vie pourrait se résumer de cette façon : un tsunami émotionnel faisant déborder mon cœur à chaque instant et me rappeler dans une certaine joie mêlée de douleur que je suis belle et bien vivante.

J’essaie chaque jour de tenir bon en faisant le choix de l’authenticité. Je veux cette vérité d’existence comme un serment d’amour que je fais à mon cœur et aussi à l’autre. Un choix de vivre vrai, dans la profondeur de tout ce que je côtoie afin de comprendre le monde, la vie et pouvoir partager tout ça avec d’autres cœurs humains. 
Je veux interagir et accueillir avec un courage réciproque les relations qui se présentent à éprouver. Pour ne pas avoir de regret, pour partir de ce monde avec des souvenirs pleins le cœur, pour fermer mes yeux sur l’étreinte de l’amour mutuel serrant chacun de nos cœurs humains avant de s’en aller…
J’aspire à la construction de mon Être tout entier, en un seul morceau, sans masque, ni mille visages pour grandir en conscience afin d’atteindre le véritable chemin de mon cœur, cette voie unique qui peut révéler à celui qui l’emprunte, les milliers de secrets précieux de son âme…avant que la vie ne s'éteigne pour de bon.

Ce matin semble identique à hier et pas moins que demain. Cependant, à la lueur de l’aube, le jour est à présent plus fatigué que jamais. Mon cœur est endolori de n’avoir pu s’échapper dans les bras de la nuit ni se réfugier dans un sommeil serein. Ce matin il crie encore dans un dernier soupir : « je t’en prie, ne m’oublie pas. » Il parle au monde. Désespéré il parle aussi à ces êtres aimés que les illusions de la vie ont fini par éloigner.

Le lien à la vie est douloureux car une fois incarné sur cette nous perdons l’unité. Le lien à l’autre est déchirant car l’amour ne vibre jamais au même niveau. Cependant, notre condition humaine est précieuse pour comprendre qui on est. Et l’amour est une nourriture indispensable à la survie de notre âme sur terre. Mais c’est aussi notre humanité fragile et apeurée qui retient notre véritable nature rendant notre lien à la vie pleins de difficultés et le lien à l’autre pleins de souffrance.

Je me souviens de ces jours lumineux et pleins de douceurs durant lesquels chacun de nos cœurs avait réussi à inventer « un cœur pour un cœur » dans cet élan de l’amour naissant. Car c’est ça aimer. Trouver le chemin de réunion où nos deux cœurs peuvent se parler et s’écouter. A deux, ils inventent une route, un lien d’amour, une intensité commune qui raconte la même histoire d’amour : un nouveau cœur singulier pour unir nos deux cœurs ensemble. Sur cette route, on se tient la main très fort pour se sentir invincible durant toutes les saisons de l’existence, les douces comme les plus rudes. Car notre cœur est plus grand, plus courageux et plus robuste lorsqu’il est fait de deux humanités : alors le bonheur prend nos deux noms, la douleur a plus de bras pour la consoler et nos corps aux pluriels se positionnent ensemble pour construire notre relation telle une demeure à protéger. Il y a aussi plus de larmes et de sourires à partager pour arroser le jardin de la vie et fabriquer des arc-en ciel. Il était beau ce temps-là.

Mais un jour nous n’avons plus raconté la même histoire d’amour. Ton cœur est parti. Et le mien s’est perdu. Il est resté sur la route que je pensais avoir bâti dans la réciprocité de notre amour singulier.
Aujourd’hui, dans ma lutte intérieure, j’essaie de convaincre mon cœur que ce n’est pas grave si l’amour prend des chemins différents. Il a quand même existé. Je ne sais pas si cela consolera mon cœur d’avoir trop aimé car c’est tout son monde qui s’écroule à chaque fois…mais il m’écoute courageusement lui murmurer tout doucement des jolis mots d’existences et pleins d’humanités. Ces mots qu’ils aiment entendre car ils résonnent dans chaque battement qui le maintienne en vie. Et aujourd’hui ce sont les mots qui restent tout près de mon cœur car ils ont le même langage. Et le même amour.

Avant de partir, je voudrai te partager une dernière fois avec mes amis les mots, ce que le son des battements de mon cœur essaie de raconter ;

- Dans mon monde, la nature m’enivre de toute sa beauté, je la ressens dans tout mon Être : les rayons du soleil me donnent l’impression d’être enlacée passionnément, le chant des oiseaux me connecte à l’âme du monde dans sa pureté la plus incroyable, le vent me caresse les cheveux, le visage, les bras et sa douceur fait exploser mon cœur de tendresse. 

- Dans mon monde, l’amour a une résonnance qui n’est pas perceptible par nos sens humains. C’est une sensation aussi forte et fragile que nos yeux ne peuvent pas voir mais que le cœur peut ressentir. C’est un son que nos oreilles ne peuvent entendre mais c’est une vibration qui enveloppe tout l’Être et que seul notre esprit peut véritablement écouter et comprendre.

- Dans mon monde, quand on ouvre son cœur pour le confier à une personne aimée, on devient tout petit : on se montre sans se cacher et on apparait tout brisé devant l'autre. Alors, dans le flux de l’amour partagé, on découvre dans son regard qu'on existe. Et on apprend à l’autre aussi combien son existence est précieuse. On grandit ensemble, dans les joies et dans les peines car l’amour, c'est quand on partage tout, et que la communion ne vole rien de nos jardins secrets : l’amour, c’est s’accueillir mutuellement avec toute la bienveillance du cœur.

- Dans mon monde, aimer c’est être face à la liberté de l'autre sans jamais se sentir seul, c’est s’aimer autant, avec la même musique car là où la blessure creuse, brusquement surgit l'amour : en devenant inséparables, on est plus fort.

Ma vie rime avec intensité : c’est ça mon monde...
Et en arpentant la terre chaque jour, j’apprends à mes dépends que la tragédie de ce monde n’est pas la mort mais le manque d’amour pour soi, pour l’autre, pour la vie dans toute sa réciprocité et son unité la plus pure.
L’humain ne sait pas écouter son âme pour vivre un amour réciproque avec la vie.
L’humain ne sait pas écouter son cœur pour vivre l’amour dans toute sa grandeur avec un autre cœur que le sien…


Charlotte, août 2022



(Photo Charlotte Vergori)

Article 28 : " Vivere "

 

Un jour, l’enfance vient à passer et nous devenons adulte. Alors se présente à nous deux possibilités pour poursuivre le chemin de notre vie. Un choix à faire entre deux regards, entre deux attitudes afin de se positionner, de s’engager dans notre existence terrestre.

-      Il y a les Hommes qui ne se posent pas de question, qui se contentent des idées apportées par l’éducation et la société, se laissant hypnotiser par le bruit extérieur et tombant le soir d’épuisement…pour recommencer ainsi la même rengaine le matin venu. Telle une boucle infernale à l’allure rassurante car, parfois, nous n’avons pas le courage d’oser ni la force de faire autrement…

-      Il y a les Hommes qui s’interrogent sur l’univers, qui sont chaque jour en quête de sens et qui tentent coûte que coûte d’élucider le mystère de leur présence sur terre. Peu importe le prix à payer. Peu importe le nombre de larmes versées. Car pour ces gens-là, chaque nouveau matin est une promesse. Chaque seconde est une chance d’expérimenter la vie et la profondeur de leur Être.

Dans notre société actuelle, nous nous contentons bien souvent de survivre : nous prenons les grands axes de notre vie sans risquer de dévier sa trajectoire, ou que très rarement…Dans cette posture, nous « vivons au minimum » par peur de se retrouver face à nous-mêmes, face à nos pensées sombres et face à nos limites. Sûrement parce-que dans l’évitement, nous avons l’impression de contourner des chemins dangereux et donc des moments de souffrance…quitte à ne pas être pleinement vivant.  

   -      Pour ceux qui ont adopté ce mode de survie pour Être dans le monde, les rêves d’avant ont vieillis et la vie est devenue une routine grisée. Ils se contentent d’une obscurité d’existence partiellement éclairée.

  -      Pour les autres qui choisissent des routes moins linéaires et plus inconfortables, les rêves d’enfants sont des objectifs à atteindre donnant corps à leur existence, quand bien même cela impliquerait de ne jamais pouvoir les réaliser si la mort devait les attraper avant…ils auront au moins vécu pour les tenter et les chérir de tout leur cœur.


Ce matin, je regarde par la fenêtre le bel arbre majestueux au centre de mon jardin. Soucieuse, mes yeux contemplent chaque feuille qui se mettent délicatement en mouvement dans la douceur du vent qui vient les faire danser. Et mon âme se souvient : elle veut vivre avec de la passion dans le cœur. Chaque jour. Quitte à prendre le risque d’en souffrir souvent.
Quel sens peut avoir la vie si nous jouons sans cesse à cache à cache avec elle ? Comment écrire notre histoire singulière si nous ne la laissons jamais nous surprendre par ce qu’elle a de trésors à nous conter, nous enseigner et si nous ne prenons pas le risque de la laisser nous étourdir, nous habiter de tout son mystère ?

J’en suis sûre à présent : je suis venue au monde avec ce cœur-là, lors d’un hiver enneigé. Un cœur ouvert avec toute sa vulnérabilité mais qui veut garder en lui le courage d’apprendre et qui ne veut jamais arrêter de questionner la vie. Chaque battement qui tambourine dans ma poitrine souhaite interroger les autres et aspire profondément à les aimer. Mon corps, ce temple courageux qui abrite mon esprit, veut accueillir chaque émotion en l’invitant à l’intérieur de mon Être…espérant que cette route me révèle, pas à pas, les mystères de mon âme avant de quitter notre terre.

 

Aujourd’hui je fais ce serment : je te choisis La vie.

Je veux t’assumer de toute mes forces et t’aimer tant que je peux respirer ici-bas.

Puisque tu as la générosité de couler dans mes veines, je te promets de m’engager chaque jour avec toi.

Et jusqu’à ce que ma mort laisse la place à un autre être-humain

qui pourra à son tour être honorer de ta présence en lui.

Une présence aussi précieuse qu’éphémère…

 

Charlotte, juillet 2022



Photo Charlotte Vergori



Article 27 : Fil d'or

🍀 Je sens que je touche parfois cette limite dangereuse qui pourrait me faire sombrer dans une mort de moi-même pour toujours. L’instabilité de l’existence semble nous demander en permanence une énergie surhumaine afin de pouvoir surmonter le mystère qu’est notre vie. Et aujourd’hui je peine…Mon cœur cède à la vie.

🍀 Nous rencontrons tous cette limite en nous certains jours de brouillards, lorsque surgissent de nulle part, nos difficultés existentielles. Dans ce monde de perdition intérieure, il demeure une vie d’errance pour les humains vulnérables que nous sommes…Une vie éteinte de tout mouvement d’amour. Le corps et le cœur sont alors à la recherche d’une lueur d’espoir capable de les hisser hors du noir. De les sauver de la douleur de vivre.

🍀 Lors de cet égarement qui me fait perdre la connexion au bonheur, mes yeux regardent le sol…et dans un mouvement de désespoir ils finissent par rencontrer mes mains. Je les regarde. Elles sont vivantes. Et je réalise qu'elles vibrent à chaque touché bienveillant. Du bout de leurs doigts, elles peuvent transmettre des frissons dans tout mon corps. Des frissons de vie. Mon corps est fatigué. Mais mon cœur le porte...et bat encore. La souffrance ne m’a pas encore tué. Je me dis alors, qu’il doit être possible d’en faire quelque chose.

🍀 Lorsque je commence à éprouver cette noirceur de notre existence terrestre à l’intérieur de tout mon Être, il y a ce fil invisible que mon cœur perçoit péniblement, douloureusement...mais qui est là : un fil d’or qui retient ma vie...précieusement. Surtout durant les tempêtes vertigineuses de toute existence humaine.

🍀 Ce fil est telle une corde solide que mes yeux ne peuvent voir mais que je sens tenace depuis ma venue au monde : il me tire vers le haut malgré le poids de ma souffrance qui alourdit mon corps et mon âme. Grâce à sa force contenante, mon coeur s'accroche à la vie...et y croit. Même quand je crains le noir. Alors, j’entends à nouveau sa musique dans ce qu’elle a de plus majestueuse.

🍀 Aujourd’hui, à nouveau accablée par la souffrance de l’expérience terrestre, je me replie sur mon cœur. Et c’est dans cet abandon que je commence à comprendre : je réalise que l’essence de ce fil d’or est l’Amour. Ce sentiment est à la base de tout : il est ce qui fait naître notre âme, ce qui la nourrit et ce qui nous rend éternel. Sur terre, il est ce chemin d'espérance pouvant panser nos blessures humaines.

🍀 Croire en la vie...Toujours. En son infinitude, aux multiples possibilités qu’elle offre mais que nous ne voyons pas toujours du premier coup...


Accrocher son coeur au fil d’or, le confier à l’Amour...
Car lui seul pourra, à jamais, prendre soin de lui.


🦋 Charlotte, Juin 2022 🦋

 


* Photo Charlotte Vergori

Article 25 : Les soins palliatifs

 ✏️ Les soins palliatifs ✏️

Une unité de soins pour les personnes en fin de vie et dont le nom semble maudit, tabou...

Et pourtant, un projet de longue date pour mon coeur de soignante mais qui, je peux le comprendre, interroge tellement les gens qui m'entourent ou que je croise :

❔ - C'est pas gai votre travail...

❔ - Comment faites vous pour travailler "là dedans..." ?

❔ - Il faut être fort..

En fait, il faut être soignant...et surtout arriver à continuer et perdurer dans le "prendre soin" peu importe le service dans lequel on exerce aujourd'hui. La force est là...une force qui réside au coeur même de la fragilité. C'est à dire, qu'en dépit des conditions inhumaines dans lesquelles le secteur des soins est plongé depuis tant d'années, il faut persister et continuer d'être un soignant investi, engagé et conscient de sa responsabilité lorsqu'il enfile sa blouse au vestiaire. Et ne jamais cesser de mettre du coeur dans nos mains et nos gestes d'accompagnant malgré la fatigue et les désillusions de notre quotidien professionnel.

✨ Et puis, concernant mon nouvel emploi en services de soins palliatifs, contre toute attente, il n'y a pas que de la tristesse. J'y apprends aussi la joie et la vie...comme quoi, nos représentations, nos à priori, nos idées toutes faites sont à réinterroger, à dépoussiérer, à réouvrir...toujours. Ouvrir sa conscience sur l'immensité et le mystère qu'est la vie sans l'emprisonner, ni la restreindre, ni l'étouffer mais en gardant l'oeil et le coeur alerte d'un nouveau regard à poser sur chaque situation et chaque personne.

🌸 Depuis 1 mois, j'ai integré un nouveau service le coeur pleins d'espoir de me nourrir de nouvelles découvertes.

🌸 Depuis 1 mois, j'apprends à être une nouvelle soignante : mes 10 ans de diplôme perdent leur ancienneté à chaque nouvelle entrée dans un nouveau service...

🌸 Depuis 1 mois, je suis redevenue une "jeune infirmière", une petite nouvelle, en toute humilité...car j'ai tant à apprendre...

✨ Je découvre dans ce service combien l'essentiel de la vie est remis à l'honneur...un essentiel que l'on perd dans nos vies humaines surmenées, routinières et en perte de sens. Surtout lorsque nous sommes en bonne santé pour porter notre corps qui demeure pourtant si fragile...Dans ce service, les liens avec nos proches, le pouvoir du moment présent et l'importance des petits bonheurs sont remis au coeur de chaque journée de vie.  

✨ J'apprends qu'il est si délicat mais tellement important d'accepter qu'il n'y a pas d'âge pour mourir mais qu'on a juste le moment présent pour vivre...Qu'en acceptent que nous n'ayons pas de main mise ni sur la vie, ni sur la mort, on peut devenir des soignants qui ne luttent pas contre un sentiment d'injustice mais qui ouvrent leur coeur à l'accompagnement profond et de paix dont le patient a tant besoin dans le tumulte de ses émotions si intense à ce stade de sa vie...Le patient en soins palliatifs a besoin d'accueillir sa vie qui s'estompe...Mais, justement, une vie qui est encore là. 

✨ Et il n'y a pas que la mort comme sujet central dans mon nouveau service de travail : il y a avant tout des humains éphémères, ce que nous sommes tous...et chaque jour. Mais nous sommes surtout des Êtres qui SONT...jusqu'à la dernière seconde. Cet accompagnement si bouleversant est un hymne à la vie...et l'infirmière que je suis a l'honneur et tellement de gratitude de pouvoir prendre soin de la vie si précieuse de chaque patient, chaque humain, qui passeront dans ce service si particulier et presque hors du temps...

✨ S'il n'y a pas que la mort comme sujet récurrent au coeur des soins palliatifs c'est parce-qu'il y a aussi l'amour...oui, avant tout, dans mon service de soins, on accueille et on partage l'amour. J'ai été témoin de tellement d'échanges de gratitude et d'affection entre les patients et leur proche...des souvenirs gravés...alors je refuse de penser que la mort interrompt ce merveilleux sentiment qu'est l'amour et qui unit si fort les gens de façon invisible car non palpable mais bien réel et si puissant. La mort emporte un corps de chair mais jamais cette énergie qu'est l'amour et qui continue et continuera de circuler et de vivre d'une façon ou d'une autre.

✨ Ma passion pour ce métier et pour l'humain continue de me pousser à oser découvrir des nouveaux chemins professionnels...et à cheminer en tant qu'infirmière mais surtout en tant que personne...🙏

☀️ C'est parti 🍀 pour une nouvelle aventure professionnelle et surtout humaine ☀️


🦋 Charlotte 🦋 (06/05/22)


=> Je pense à mon ancien travail et surtout à l'équipe que j'ai dû quitter il y a un mois pour ouvrir cette nouvelle porte...vous continuerai de me manquer mais j'emporte avec moi tous les trésors que vous avez déposé dans ma vie professionnelle. Je ne vous oublie pas 🙏